lundi 23 juin 2014

Les petits paysans sont l'Avenir de l'agriculture.

Petits producteurs, marchés fermiers: le nouveau visage de l'agriculture américaine


Omaha (Etats-Unis) - Danelle Myer, 42 ans, en rit encore: elle, l'adolescente qui voulait à tout prix quitter la ferme familiale pour devenir une businesswoman dans une grande ville, jongle désormais entre commandes de choux et dégâts causés par la grêle sur son lopin de terre.
Après une carrière dans les relations publiques, elle a fait le choix il y a trois ans de revenir à ses racines, à Logan, dans l'Iowa (centre), à une soixantaine de km au nord d'Omaha (Nebraska).
«Quand j'avais une vingtaine d'année, j'étais souvent malade et je me suis rendue compte que ce qu'on met dans notre corps est important», raconte-t-elle. Puis, «le déclic, ça a été la terre, celle que possède ma famille. C'est un immense privilège dont je dois faire quelque chose.»
Mais pas question de pratiquer la même agriculture conventionnelle que ses parents - maïs, soja et élevage de bovins.
Pour elle ce sera du maraîchage sur un petit bout de terrain en pente. «Sans pesticide ni OGM», insiste-t-elle, assise en tailleur dans l'herbe surplombant son champ, en débardeur rose rayé et tongs.
Au coeur du Midwest, le grenier céréalier des Etats-Unis symbole par excellence de l'agriculture productiviste, le parcours de Danelle Myer n'est pas si singulier.
L'agriculture en circuits courts explose, encouragée par un intérêt croissant des consommateurs pour des produits cultivés localement.
Les autorités américaines recensent quelque 8.100 marchés fermiers dans le pays, et 44% des écoles développent des relations avec les producteurs de leur zone. Le secteur représente 7 milliards de dollars.
Pour encourager cette tendance, l'administration Obama a lancé le 9 juin l'initiative «Local Food, Local Places» visant à apporter aux collectivités rurales l'expertise de spécialistes en agriculture, en transport, en environnement et en économie locale.
«Les changements sont tangibles et exaltants», constate Alice Topaloff, une jeune ingénieure agronome franco-américaine venue s'installer dans l'Iowa. «Le développement des circuits courts ici se fait de manière plus volontaire et plus spectaculaire qu'en France. Sûrement parce qu'on part de beaucoup plus loin avec des exploitations de milliers d'hectares et une culture alimentaire, de terroir, moins prononcée», explique-t-elle.

Le chemin reste néanmoins semé d'embûches
La première année, en 2010, Danelle Myer a vendu pour 2.200 dollars de légumes. L'objectif cette saison est d'en récolter pour 20.000 dollars. C'est encore insuffisant pour payer les factures. L'agricultrice conserve un travail de relations publiques à mi-temps.
«Pour gagner décemment sa vie, il faut posséder environ 800 hectares si on cultive du maïs et du soja. Il suffit d'environ 5 hectares quand on fait pousser des légumes», confie Craig Chase, économiste de l'Université de l'Iowa qui observe depuis les années 1980 l'essor d'une agriculture moins conventionnelle dans le pays.
La question du prix du terrain foncier, qui a flambé ces dernières années dans le Midwest, est d'ailleurs une des principales raisons selon lui pour lesquelles les jeunes s'installent sur de petites surfaces.
Pour les enfants d'agriculteurs ne pouvant pas diviser leur exploitation - sans quoi elle n'est plus viable -, pour les immigrants ou pour les militants de l'agriculture bio, qui souhaitent démarrer leur propre affaire, c'est trop onéreux. «A 25.000 dollars l'hectare, ça coûte moins cher à l'installation de se concentrer sur une production à faible volume mais à forte valeur ajoutée».
L'attrait des consommateurs pour des produits plus sains, plus goûteux, joue aussi. Tout comme la sécurité alimentaire, mais d'une autre façon qu'en Europe. «Ici les gens ne sont pas spécialement préoccupés par les OGM. En revanche, comme l'industrie agro-alimentaire est concentrée entre les mains de trois ou quatre entreprises, les gens sont sensibles à l'idée qu'une attaque terroriste pourrait avoir un impact gigantesque», souligne Alice Topaloff.
En s'échinant à arracher les mauvaises herbes qui prolifèrent dans sa serre toute neuve, Danelle Myer assure qu'elle n'échangerait pour rien au monde les heures passées sur ses radis, ses patates douces et sa camomille, spécialement cultivée pour un herboriste d'Omaha.
Elle a l'air épuisée mais n'a aucune intention de baisser les bras. «Parce que je suis une femme, ou une enfant du coin, que je produis du bio, ou juste des légumes avec du goût, les gens me disent +persiste+», se réjouit-elle d'un grand sourire. APL

mardi 17 juin 2014

Réhabiliter les terres agricoles...

Journée mondiale de la lutte contre la désertification: «Il existe des solutions pour réhabiliter les sols qui ne coûtent pas très cher»

INTERVIEW - Le délégué général de l’ONG SOS SAHEL décrypte les enjeux et les solutions pour lutter contre la dégradation des terres agricoles….
«La Terre est notre Avenir, préservons-la des changements climatiques». C’est le thème retenu pour l’édition 2014 de la «journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse» organisée ce mardi sous l’égide de l’Onu. La dégradation des terres agricoles, et la pauvreté, la famine mais aussi parfois les violences qu’elle engendre, pourrait en effet pousser quelque 60 millions de personnes à migrer des zones désertifiées de l’Afrique subsaharienne vers l’Afrique du Nord et l’Europe d’ici 2020. Pourtant des solutions existent comme l'explique à 20 Minutes, Rémi Hémeryck, délégué général de l’ONG SOS SAHEL qui œuvre depuis 40 ans pour améliorer les conditions de vie en Afrique.

La désertification s’est-elle accélérée ces dernières années?

Oui, la désertification continue, notamment en Afrique où se trouve aujourd’hui 70 % de l’importante surface des terres dégradées. Cela s’explique principalement par les sécheresses répétitives observées ces dix dernières années sous l’effet du réchauffement climatique: aujourd’hui la saison des pluies est plus courte et irrégulière. Il peut pleuvoir 100 à 200 ml/pluie à raison de seulement trois averses dans certaines zones qui connaissent du coup des inondations alors que d’autres font face à la sécheresse. Mais le phénomène s’explique aussi par de mauvaises pratiques culturales: la déforestation a privé les terres cultivées de couvertures végétales, les temps de repos ne sont plus respectés, ce qui diminue le rendement des terres années après années. Au final, la terre perd tous ses éléments nutritifs et toute sa matière organique: elle ressemble à du béton de couleur de rouge. Le sol devient lunaire.

Et les populations souffrent?

Oui cela a un impact sur la sécurité alimentaire. Et à partir du moment où les populations ne peuvent pas vivre dans leurs campagnes et sont obligées de migrer cela peut contribuer à créer une grande instabilité politique.

Que faire?

Malgré tout il existe des solutions pour réhabiliter les sols qui ne coûtent pas très cher: Pour 200 à 250 euros/ha on peut multiplier leur rendement par deux. Cela passe par des moyens mécaniques pour conserver l’eau avec des digues anti-érosives ou encore la technique du «zaï» qui consiste à casser la croûte d’un sol de glacis très érodé sur une profondeur de 20/30 cm pour y apporter des matières organiques, comme des déjections animales. On peut ensuite y planter des graines pour obtenir une nouvelle couverture végétale.

L’Onu préconise une «adaptation écosystémique» des terres agricoles dégradées. En quoi cela consiste-il?

Oui tout à fait, il faut envisager des solutions plus systémique: il faut recréer les conditions du milieu en restaurant les sols, en améliorant les pratiques agricoles mais aussi en permettant aux producteurs de stocker et de vendre leur production pour en tirer un revenu. Cela passe notamment par des formations, l’introduction de nouvelles espèces existant localement et le développement d’une diversité de production permettant de ne plus vivre seulement de monoculture et réduire les risques alimentaires. Remettre l’arbre dans les cultures permet par exemple de redonner de la fertilité à la terre, mais aussi de fournir d’autres aliments (comme le Moringa Oleifera dont les feuilles peuvent servir à rendre l’eau pure mais apportent aussi diversité et vitamines dans l’alimentation familiale même en période de sécheresse) ou même une source alternative de revenus (comme l’Acacia senegal qui produit de la gomme arabique utilisée dans de nombreux produits agroalimentaires): valoriser ce type de culture permet d’améliorer la couverture forestière de toute la région du Sahel mais aussi d’assurer la résilience dans les communautés grâce à un revenu additionnel pour faire face aux aléas climatiques ou à l’érosion des sols. Mais ces interventions doivent aussi être plus inclusives en associant l’ensemble des acteurs locaux, les ONG mais aussi les institutionnels et les entreprises pour investir sur le territoire africain. Il y a ce niveau de vrais progrès qui sont faits aujourd’hui.
Claire Planchard pour MCD

jeudi 5 juin 2014

Les pesticides tuent aussi les paysannes et les paysans...

Agriculture : une ultra moderne servitude



Les pesticides, armes de destruction massive Au début du XXe siècle, l’industrie a créé des armes chimiques qui ont fait des ravages pendant la Première Guerre mondiale. Des composés qui ont trouvé de nouveaux débouchés en tant que pesticides, dans l’agriculture. Avec plus de 60 000 tonnes de substances actives vendues en 2011, la France est le troisième consommateur au monde. En 2006, une étude réalisée sur neuf pesticides formulés a révélé que les effets toxiques sur les cellules humaines sont des centaines de fois plus importants que ceux causés par la seule matière active du produit, en raison de la non-prise en compte des adjuvants utilisés.
 
Diaporama - Dans le projet « Dystopia », constructions imaginaires et scènes incongrues font sourire ou tiquer l’œil. Mais derrière se cache un message inquiet : les paysans ne sont plus maîtres de leur destin.






Fin de la Deuxième Guerre mondiale. La France est dévastée. Il faut nourrir sa population. L’usage des engrais azotés de synthèse, mis au point à la veille de la Première Guerre mondiale pour fabriquer des explosifs, se généralise. Le système agraire de polyculture/élevage est jugé obsolète, et l’industrie chimique lourde assure désormais la fertilité des sols à la place du bétail. Avec le plan Marshall, les machines motorisées, déjà utilisées aux Etats-Unis, débarquent en Europe. Pour augmenter la superficie des parcelles, les terres sont remembrées, et on voit disparaître les zones tampons (zones humides, talus, haies). Les régions agricoles françaises se spécialisent une à une afin de simplifier les approvisionnements pour une industrie agroalimentaire en pleine expansion, tandis que s’éteignent nombre de bassins de production historiques. Une loi d’orientation agricole – la « loi Pisani » – réduit drastiquement le nombre d’exploitations en accélérant la disparition de celles jugées moins productives, un processus de concentration qui se poursuit encore aujourd’hui. Dans l’élevage, les surfaces en prairie disparaissent au profit du maïs fourrage, subventionné par une Politique agricole commune (PAC) instaurée par le traité de Rome en 1957.Mais le miracle vert touche ses limites. La simplification des itinéraires techniques et des assolements conduit peu à peu à une augmentation de la pression parasitaire sur les cultures et à un recours accru aux pesticides. Les agriculteurs, sans en prendre pleinement conscience, viennent de perdre en à peine un demi-siècle l’autonomie qui était la leur depuis des millénaires. L’industrialisation de l’agriculture a certes permis une explosion de la production agricole. Mais à quel prix ! La disparition accélérée des terres agricoles et des paysans, la dégradation constante de la qualité des eaux, l’appauvrissement général de la biodiversité, l’utilisation massive des pesticides, les conditions et conséquences de la production industrielle de viande, l’érosion et l’appauvrissement des sols, la modification génétique des organismes lèguent une facture gigantesque aux jeunes générations. Pour l’ingénieur agronome Marcel Mazoyer et la chercheuse Laurence Roudart, coauteurs d’une Histoire des agricultures du monde (Seuil, 2002), « toute politique agricole s’inscrit d’abord et avant tout dans un choix ». Celui des gouvernements successifs de la France montre, selon eux, « trop de méconnaissance et de mépris du passé, trop de hâte et de présomption novatrice, trop de productivisme purement quantitatif, trop peu de précautions humaines, écologiques et qualitatives ». Le projet Dystopia, coréalisé par Alexa Brunet (photos) et Patrick Herman (textes), en partie présenté dans les pages qui suivent, ne dit pas autre chose. —

Faites réagir vos proches, diffusez l'info !
Les rédacteurs :Alexa Brunet et Patrick Herman
Depuis dix ans, Alexa Brunet fait partie du collectif de photographes Transit, après avoir étudié à l’Art College de Belfast, en Irlande, et à l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles. Elle travaille pour la presse, tout en menant des travaux personnels. Journaliste indépendant, Patrick Herman est également paysan en agriculture biologique dans l’Aveyron. Il écrit sur la santé publique et l’agriculture. De leur rencontre est née une approche inhabituelle de l’actualité, associant images et textes. Du va-et-vient entre des scénographies décalées – où se chevauchent symboles et constructions imaginaires – et des textes rapportant des faits peut naître un nouveau regard facilitant la compréhension de ce qui advient aujourd’hui. Il ne s’agit pas de prophétie, mais de prospective.